Situation réelle

“Je démissionne, je suis cramé.” Cette phrase arrive rarement sans avertissement. Les signaux étaient là depuis des mois. Mais personne n’a regardé, ou su les interpréter.

Ce que j’ai observé : le burn-out est rarement soudain. C’est une dégradation progressive avec des signaux détectables. Le problème n’est pas l’absence de signaux, c’est l’absence de regard.

Le faux problème

Le faux problème serait de croire que burn-out = faiblesse individuelle. En réalité, c’est souvent un symptôme de dysfonctionnement systémique (charge excessive, manque de sens, absence de contrôle).

Un autre faux problème : penser qu’on ne peut rien faire. En réalité, détection précoce + intervention permet de prévenir la majorité des burn-outs.

Le vrai enjeu CTO

Le vrai enjeu est de détecter les signaux et intervenir avant la crise :

Les 3 stades du burn-out :

Stade 1 - Fatigue accumulée (réversible facilement) : Signaux : fatigue persistante, difficulté concentration, irritabilité occasionnelle, sommeil perturbé. Durée : quelques semaines. Intervention : repos (congés), réduction charge temporaire, discussion causes. Pronostic : récupération rapide (2-4 semaines) si traité.

Stade 2 - Épuisement (réversible avec effort) : Signaux : épuisement chronique, cynisme croissant, baisse performance visible, désengagement, évitement social. Durée : plusieurs mois. Intervention : arrêt travail (2-4 semaines), réorganisation charge/rôle, accompagnement. Pronostic : récupération possible (2-3 mois) mais nécessite changements structurels.

Stade 3 - Burn-out installé (longue récupération) : Signaux : épuisement profond, détachement complet, effondrement performance, symptômes physiques (maux, maladies), idées noires possibles. Durée : 6-12+ mois d’accumulation. Intervention : arrêt prolongé (plusieurs mois), suivi médical, changement emploi souvent. Pronostic : récupération longue (6-18 mois), séquelles possibles.

Les 12 signaux d’alerte à surveiller :

Signaux comportementaux :

  1. Retards/absences inhabituels (personne ponctuelle devient irrégulière)
  2. Isolement social (évite pauses café, déjeuners, échanges informels)
  3. Irritabilité ou réactions émotionnelles disproportionnées
  4. Cynisme croissant (“à quoi bon”, “ça sert à rien”)

Signaux de performance : 5. Baisse qualité travail (erreurs inhabituelles, code dégradé) 6. Vélocité en chute (tâches simples prennent 3× plus longtemps) 7. Procrastination sur tâches autrefois faciles 8. Difficulté terminer ce qui est commencé

Signaux physiques/verbaux : 9. Fatigue exprimée répétitivement (“je suis crevé”) 10. Plaintes somatiques (maux de tête, dos, estomac fréquents) 11. Heures excessives répétées (>50h/semaine pendant >4 semaines) 12. Commentaires sur “tenir le coup” ou “plus pour longtemps”

Cadre de décision

Voici comment je détecte et interviens :

1. Observation active et régulière One-on-ones hebdos : observer énergie, ton, engagement. Question directe : “Niveau énergie 1-10 ?” Cette attention détecte changements.

2. Métriques objectives Tracker (discret) : heures travaillées, absences, vélocité, qualité code. Ces données révèlent patterns invisibles autrement.

3. Grille de décision par stade Stade 1 (fatigue) : conversation + congés + réduction charge. Stade 2 (épuisement) : arrêt 2-4 semaines + réorg structurelle. Stade 3 (burn-out) : arrêt prolongé + suivi médical + probablement changement. Cette graduation guide intervention.

4. Intervention rapide et sans jugement Dès signaux stade 1-2 : conversation privée, empathique, focus solution. “J’observe X, Y, Z. Comment tu vas vraiment ? Qu’est-ce qu’on peut changer ?” Cette proactivité évite stade 3.

5. Adresser causes systémiques Si plusieurs personnes en burn-out : problème systémique (charge, culture, management). Corriger structure, pas juste individus. Cette lucidité évite récurrence.

Retour terrain

Ce que j’ai observé dans différentes situations :

La détection tardive : Dev top performeur. Signaux stade 1-2 ignorés pendant 6 mois (fatigue, irritabilité, baisse qualité). Stade 3 : arrêt 4 mois, démission. Résultat : perte talent, 6 mois chaos projet.

La détection qui sauve : One-on-one révèle : “Niveau énergie 3/10, je dors mal, je suis irritable.” Signaux stade 1. Actions immédiates : 2 semaines congés + réduction charge 30% pendant 2 mois + réassignation projet stressant. Résultat : récupération complète en 6 semaines, personne reste.

L’exemple des métriques : Tracking discret révèle : Alice fait 55-60h/semaine depuis 8 semaines. Intervention avant qu’elle s’effondre : “J’observe charge excessive, c’est insoutenable. On réorganise.” Résultat : burn-out évité.

Le problème systémique : 3 burn-outs en 6 mois. Analyse révèle : culture crunch, deadlines impossibles, reconnaissance insuffisante. Actions : revoir roadmap, embaucher 2 personnes, arrêter valoriser surmenage. Résultat : stabilisation, pas de nouveau burn-out 18 mois suivants.

Erreurs fréquentes

Ignorer signaux stade 1 “Il est juste fatigué, ça va passer.” Résultat : stade 1 → stade 2 → stade 3.

Intervention trop timide Stade 2 détecté mais réponse : “Prends un jour de congés.” Résultat : insuffisant, dégradation continue.

Blâmer l’individu “Il doit mieux gérer son stress.” Résultat : culpabilisation, pas de résolution, aggravation.

Ne pas adresser causes Traiter symptômes (repos) sans changer structure (charge, culture). Résultat : récidive garantie.

Si c’était à refaire

Avec le recul, voici ce que je ferais différemment :

Question énergie systématique One-on-one : “Niveau énergie 1-10 ?” + “Heures travaillées cette semaine ?” Ces questions simples détectent dérives.

Tracking heures discrètement Système révèle qui fait >45h régulièrement. Intervention proactive. Ce tracking sauve vies (littéralement).

Protocole intervention par stade Guidelines claires : signaux stade 1 → actions X, stade 2 → actions Y. Cette structure évite improvisation.

Analyse systémique si 2+ cas Deux burn-outs = problème système. Audit culture, charge, management. Cette lucidité corrige racine.

Pour approfondir

Le livre "Être ou ne pas être CTO" explore comment créer une culture qui prévient le burn-out.

Pour approfondir, tu peux aussi consulter l’article "Signaux d’alarme du burn-out CTO" ou les autres contenus du pilier "Culture & management".