Situation réelle
Réunion silencieuse. Tout le monde sait que cette décision est mauvaise, mais personne ne dit rien. Absence de sécurité psychologique : la peur de parler l’emporte sur le bénéfice de la vérité.
Ce que j’ai observé : la sécurité psychologique (concept popularisé par Google via Project Aristotle) est le facteur #1 de performance d’équipe. Avant compétences, avant processus, avant outils.
Le faux problème
Le faux problème serait de croire que sécurité psychologique = tout le monde est gentil. En réalité, c’est un environnement où on peut être en désaccord sans peur de représailles.
Un autre faux problème : penser que c’est un “nice to have”. En réalité, sans sécurité psychologique, les erreurs sont cachées, les problèmes ne remontent pas, les décisions sont sous-optimales.
Le vrai enjeu CTO
Le vrai enjeu est de créer les conditions où chacun ose partager vérité, doutes, et désaccords :
Les 4 piliers de la sécurité psychologique :
Pilier 1 - On peut poser des questions sans être jugé : Signal positif : “C’est peut-être une question bête, mais…” accepté et valorisé. Signal négatif : “T’as pas compris ça ? C’est évident.” Résultat si absent : questions non posées, malentendus, erreurs.
Pilier 2 - On peut admettre une erreur sans être puni : Signal positif : “J’ai fait une erreur, voici ce qui s’est passé” suivi de “Merci de l’avoir signalé”. Signal négatif : erreur → blame ou sarcasme. Résultat si absent : erreurs cachées, incidents non détectés.
Pilier 3 - On peut être en désaccord sans conséquence négative : Signal positif : junior challenge architecture senior, débat constructif. Signal négatif : désaccord perçu comme insubordination. Résultat si absent : groupthink, mauvaises décisions non challengées.
Pilier 4 - On peut prendre des risques calculés sans peur : Signal positif : POC échoue, apprentissage célébré. Signal négatif : échec = carrière impactée. Résultat si absent : paralysie, zéro innovation.
Comment mesurer la sécurité psychologique :
Question 1 : “Me sens-je safe de prendre un risque dans cette équipe ?” (1-10) Question 2 : “Si je fais une erreur, sera-t-elle utilisée contre moi ?” (1-10 inversé) Question 3 : “Puis-je soulever des problèmes/questions difficiles ?” (1-10) Question 4 : “Les membres de l’équipe acceptent-ils les différences ?” (1-10)
Score >7/10 en moyenne = sécurité psychologique saine. Score <5/10 = problème critique à adresser.
Cadre de décision
Voici comment je crée la sécurité psychologique :
1. Modéliser la vulnérabilité CTO doit montrer l’exemple : admettre doutes (“Je ne suis pas sûr”), erreurs (“J’ai merdé”), limites (“Je ne sais pas”). Cette vulnérabilité autorise celle des autres.
2. Réagir positivement aux mauvaises nouvelles Quand problème signalé : “Merci de l’avoir remonté” (pas “Pourquoi ça arrive ?”). Cette réaction encourage future transparence.
3. Valoriser le désaccord constructif Quand junior challenge senior : “Excellente question, creusons.” Cette validation encourage future challenge.
4. Sanctionner le comportement toxique Sarcasme, moquerie, blame public = tolérance zéro. Ces comportements détruisent sécurité psychologique immédiatement.
5. Mesurer trimestriellement 4 questions, score 1-10, trend. Ces données révèlent état réel vs perçu.
Retour terrain
Ce que j’ai observé dans différentes organisations :
L’absence de sécurité psychologique : Erreur → blame. Désaccord → “c’est moi qui décide”. Questions → “t’as pas compris ?”. Résultat : silence, erreurs cachées, incidents, turnover 40%.
La sécurité psychologique qui transforme : CTO modélise vulnérabilité. Junior signale bug critique, remercié publiquement. Débats techniques animés mais respectueux. Résultat : problèmes remontent tôt, qualité élevée, turnover <10%.
L’exemple de modélisation : CTO all-hands : “Je suis pas sûr de cette décision, j’ai ces doutes, j’aimerais vos inputs.” Cette vulnérabilité change dynamique : équipe ose partager doutes aussi.
La mesure qui révèle : Survey révèle score 4/10 sur “safe de signaler erreur”. Actions : CTO partage ses erreurs, post-mortems blameless systématiques, tolérance zéro sarcasme. 6 mois : score 8/10, incidents détectés 3× plus tôt.
Erreurs fréquentes
Blâmer le messager Problème signalé → “Pourquoi tu me dis ça maintenant ?” Résultat : plus personne ne signale, problèmes explosent.
Tolérer comportements toxiques Dev senior sarcastique avec juniors. Pas sanctionné car “performant”. Résultat : juniors se taisent, culture toxique.
Ne pas modéliser vulnérabilité CTO maintient façade de contrôle total. Résultat : équipe pense qu’elle doit faire pareil, pas de doutes partagés.
Ne jamais mesurer Supposer que sécurité psychologique est bonne. Résultat : découverte tardive quand turnover explose.
Si c’était à refaire
Avec le recul, voici ce que je ferais différemment :
Mesurer dès 5 personnes 4 questions, score mensuel. Ces données révèlent problèmes avant qu’ils deviennent toxiques.
Modéliser vulnérabilité dès le premier jour Premier all-hands : partager doutes, limites, erreurs passées. Cette modélisation initiale pose les bases.
Tolérance zéro comportements toxiques Premier sarcasme → feedback immédiat. Deuxième → warning formel. Troisième → séparation. Cette rigueur protège culture.
Célébrer signalements publiquement All-hands : “Merci à X d’avoir signalé ce risque, ça nous a évité un incident.” Cette reconnaissance encourage futurs signalements.
Pour approfondir
Le livre “Être ou ne pas être CTO” explore comment créer et maintenir la sécurité psychologique dans différents contextes.
Pour approfondir, tu peux aussi consulter l’article “Droit à l’erreur” ou les autres contenus du pilier “Culture & management”.