Stratégies tirées de “Être ou ne pas être CTO”, chapitre “Construire l’équipe technique”.

Situation réelle

“On recrute quand ?” Cette question revient régulièrement dans les discussions stratégiques. Trop tôt, vous brûlez du cash sans nécessité réelle. Trop tard, vous brûlez votre équipe qui s’épuise. Le timing est critique, mais il n’y a pas de réponse universelle.

Ce que j’ai observé : le recrutement n’est pas qu’une question de timing. C’est aussi une question de structure organisationnelle, de profils à recruter, de processus de recrutement, d’onboarding, et de rétention. Construire une équipe technique performante, c’est orchestrer tous ces éléments de manière cohérente.

Le faux problème

Le faux problème serait de croire qu’il existe une structure organisationnelle idéale à copier, ou un processus de recrutement parfait à suivre. En réalité, chaque organisation a ses spécificités : taille, maturité, contexte business, culture existante. Copier la structure d’une BigCorp quand vous êtes une startup de 5 personnes, c’est créer plus de problèmes que vous n’en résolvez.

Un autre faux problème : recruter pour “faire comme les autres” ou parce que “on devrait avoir X personnes”. Le recrutement doit répondre à un problème spécifique : roadmap bloquée, équipe en surcharge, compétences manquantes. Sans cette clarté, vous recrutez dans le vide.

Le vrai enjeu CTO

Le vrai enjeu est triple :

Structurer l’équipe selon la taille et la maturité : Une équipe de 0-5 personnes nécessite une structure plate avec des généralistes. Une équipe de 5-15 personnes peut commencer à spécialiser avec des squads. Une équipe de 15-50 personnes nécessite des managers et une structure plus formelle. Une équipe de 50+ personnes nécessite des départements et une gouvernance plus complexe. Cette évolution n’est pas linéaire, elle doit s’adapter au contexte.

Recruter les bons profils au bon moment : Les profils à recruter changent selon le stade de l’organisation. Early stage : T-shaped seniors autonomes. Growth stage : mix seniors/mid-level/juniors avec des spécialistes. Scale stage : diversification avec staff engineers, product engineers, platform engineers. Chaque stade a ses priorités.

Onboarder et retenir les talents : Recruter n’est que le début. Onboarder efficacement (premier commit jour 1, autonomie mois 2) et retenir les talents (growth, management, compensation, impact) sont aussi critiques que le recrutement lui-même.

Cadre de décision

Voici les principes qui m’ont aidé à naviguer cette question :

1. Recruter pour résoudre un problème spécifique
Avant de recruter, identifier le problème réel : équipe en surcharge constante (>50h/semaine 2+ mois), roadmap bloquée par manque de ressources, incidents production non traités, onboarding impossible, turnover risque. Si aucun de ces signaux n’est présent, peut-être que le recrutement n’est pas urgent. Recruter sans problème clair, c’est créer de la complexité inutile.

2. Structurer selon la taille, pas selon les modèles
Adapter la structure à la taille réelle de l’équipe. 0-5 personnes : structure plate, généralistes, CTO code 60%. 5-15 personnes : squads avec leads, début de spécialisation, CTO code 30%. 15-50 personnes : teams avec managers, processus formels, CTO code 10%. 50+ personnes : départements avec VPs, gouvernance complexe, CTO code 0%. Cette évolution doit être progressive, pas imposée d’avance.

3. Recruter skills + culture fit + values alignment
Recruter uniquement pour les compétences techniques, c’est risquer des dynamiques toxiques et du turnover. Recruter uniquement pour le culture fit, c’est risquer des compétences insuffisantes. L’équilibre est délicat : skills techniques solides + culture fit + alignment avec les valeurs de l’organisation. Cet équilibre se teste dans le processus de recrutement, pas après.

4. Onboarder pour l’autonomie rapide
Un onboarding efficace permet un premier commit jour 1 et l’autonomie mois 2. Semaine 1 : setup complet, 1-on-1 avec chaque membre, codebase walkthrough, premier PR simple. Semaine 2-4 : première feature guidée, pair programming, participation aux meetings, feedback session. Mois 2-3 : ownership feature complète, contribution autonome, feedback 30-60-90 jours. Cet onboarding structuré accélère la productivité et réduit le turnover.

5. Retenir en adressant les vraies causes de départ
Les développeurs partent principalement pour 4 raisons : pas de croissance (40%), mauvais management (30%), compensation (20%), pas d’impact (10%). Adresser ces causes de manière proactive : career paths clairs, mentoring actif, 1-on-1 réguliers, feedback constructif, market rate compensation, equity/bonus, ownership, visibility. Cette approche proactive réduit le turnover et améliore la rétention.

Retour terrain

Ce que j’ai observé dans différentes organisations :

Ce qui fonctionne : Un processus de recrutement rapide (<2 semaines total) pour ne pas perdre les meilleurs talents. Un mix équilibré de profils (40% seniors, 40% mid-level, 20% juniors si bandwidth mentoring) plutôt qu’une équipe homogène. Une structure qui évolue progressivement avec la taille plutôt qu’une structure imposée d’avance. Un onboarding structuré avec feedback régulier plutôt qu’un onboarding improvisé.

Ce qui bloque : Recruter pour “faire comme BigCorp” sans adapter au contexte. Overhiring (20 devs en 6 mois) qui dilue la culture et fait s’effondrer les processus. Recruter “like me” (même école, même profil) qui crée du groupthink et limite les perspectives. Un processus de recrutement trop lent (>1 mois) qui fait perdre les meilleurs candidats. Un onboarding improvisé qui retarde l’autonomie et augmente le turnover.

Les erreurs de timing : Recruter trop tôt (burn cash) ou trop tard (burn team). Les signaux pour recruter maintenant : équipe en surcharge constante, roadmap bloquée, incidents non traités, onboarding impossible, turnover risque. Les signaux pour préparer le recrutement : croissance prévue 3-6 mois, nouveau produit planifié, tech debt accumulée critique. Ces signaux permettent de timing le recrutement correctement.

Les erreurs de profils : Recruter uniquement des seniors (coût élevé, pas de mentoring) ou uniquement des juniors (lenteur, besoin de mentoring). Le mix optimal dépend du stade : early stage (T-shaped seniors autonomes), growth stage (mix équilibré avec spécialistes), scale stage (diversification avec staff/product/platform engineers). Ce mix doit évoluer avec l’organisation.

Erreurs fréquentes

Recruter pour les skills uniquement
“Il code super bien” ne suffit pas. Résultat : dynamiques toxiques, turnover élevé, équipe qui souffre. Mieux vaut skills + culture fit + values alignment pour une performance à long terme.

Overhiring
“On recrute 20 devs en 6 mois” sans structure adaptée. Résultat : cauchemar d’onboarding, culture diluée, processus qui s’effondrent. Mieux vaut un recrutement soutenable (2-3/trimestre max early stage) qui préserve la qualité de l’onboarding et la culture.

Recruter “like me”
Équipe homogène (même école, même profil). Résultat : groupthink, manque de perspectives, innovation limitée. Mieux vaut de la diversité (backgrounds, expériences, skills) qui apporte des perspectives variées et améliore l’innovation.

Processus de recrutement trop lent
Processus qui prend >1 mois. Résultat : perte des meilleurs candidats qui acceptent d’autres offres. Mieux vaut un processus rapide (<2 semaines total) qui ne fait pas perdre les meilleurs talents.

Onboarding improvisé
Pas de structure d’onboarding claire. Résultat : autonomie retardée, turnover élevé, frustration de l’équipe. Mieux vaut un onboarding structuré (30-60-90 jours) avec feedback régulier qui accélère l’autonomie.

Si c’était à refaire

Avec le recul, voici ce que je ferais différemment :

Structurer progressivement
Plutôt que d’imposer une structure d’avance, laisser la structure émerger progressivement avec la taille. Commencer plat, ajouter des leads quand nécessaire, introduire des managers quand l’équipe grandit. Cette approche progressive évite la sur-ingénierie et s’adapte mieux au contexte.

Mesurer le ROI du recrutement
Calculer le ROI réel de chaque recrutement : coût (salaire + onboarding + overhead) vs valeur apportée (productivité, compétences, impact). Cette mesure permet de prioriser les recrutements et d’optimiser le mix de profils.

Investir dans l’onboarding
Consacrer plus de temps et de ressources à l’onboarding structuré. Un onboarding efficace réduit le time-to-productivity et améliore la rétention. Cet investissement se rentabilise rapidement via une productivité accrue et un turnover réduit.

Adresser proactivement la rétention
Ne pas attendre que les développeurs partent pour adresser les causes. Mettre en place proactivement : career paths clairs, mentoring actif, 1-on-1 réguliers, feedback constructif, market rate compensation, ownership, visibility. Cette approche proactive réduit le turnover et améliore la satisfaction.

Pour approfondir

Le livre “Être ou ne pas être CTO” détaille le design organisationnel, les templates d’interview, les benchmarks de compensation, et les stratégies de rétention avec des cas réels.

Pour approfondir, tu peux aussi consulter les pages piliers du site ou les guides mis à disposition.