Situation réelle

“Sois bienveillant avec ton équipe.” “Sois exigeant sur les résultats.” Ces deux injonctions semblent contradictoires. Pourtant, les meilleurs managers font les deux simultanément.

Ce que j’ai observé : bienveillance et exigence ne sont pas opposées. Elles sont complémentaires. La bienveillance sans exigence devient de la complaisance. L’exigence sans bienveillance devient de la toxicité.

Le faux problème

Le faux problème serait de croire qu’il faut choisir entre les deux. En réalité, c’est la combinaison des deux qui crée l’excellence durable.

Un autre faux problème : penser que bienveillance signifie ne jamais critiquer. En réalité, le feedback difficile peut être bienveillant s’il vise la croissance.

Le vrai enjeu CTO

Le vrai enjeu est de comprendre comment concilier les deux :

Bienveillance ne signifie PAS : Accepter tout, ne jamais critiquer, éviter les conversations difficiles, protéger des conséquences, baisser les standards.

Bienveillance signifie : Respecter la personne même en critiquant le travail, donner feedback pour aider (pas punir), assumer que intentions sont bonnes, soutenir croissance, équilibre pro-perso.

Exigence ne signifie PAS : Perfectionisme, pression constante, zéro tolérance erreur, crunch culture, burnout acceptable.

Exigence signifie : Standards élevés mais réalistes, feedback régulier et clair, accountability sur résultats, pas d’acceptation médiocrité, challenge constant.

Les 4 quadrants :

Q1 - Faible bienveillance + Faible exigence : Caractéristiques : désengagement, laisser-faire, pas de feedback. Résultat : médiocrité, frustration talents, stagnation.

Q2 - Forte bienveillance + Faible exigence : Caractéristiques : gentillesse, pas de challenge, complaisance. Résultat : confort à court terme, stagnation, pas de croissance.

Q3 - Faible bienveillance + Forte exigence : Caractéristiques : résultats à tout prix, pression toxique, pas de support. Résultat : burnout, turnover, résultats court terme puis effondrement.

Q4 - Forte bienveillance + Forte exigence (target) : Caractéristiques : support ET challenge, feedback régulier, standards élevés, respect personnes. Résultat : croissance durable, performance élevée, rétention talents.

Cadre de décision

Voici comment je maintiens cet équilibre :

1. Séparer personne et performance Feedback : critiquer le travail, jamais la personne. “Ce code a ces problèmes” (pas “Tu codes mal”). “Ce projet n’a pas atteint objectifs” (pas “Tu as échoué”).

2. Feedback régulier, pas juste annuel One-on-ones hebdos : ce qui va bien, ce qui doit s’améliorer. Cette régularité évite surprises et rend feedback normal.

3. Expliquer le pourquoi de l’exigence Pas “C’est inacceptable”, mais “Voici pourquoi ce standard est important pour [raison business/qualité/équipe]”.

4. Supporter la croissance concrètement Exiger X ET fournir moyens d’atteindre X : formation, mentoring, temps, ressources.

5. Mesurer les deux dimensions Survey équipe : “Manager me challenge ?” (exigence), “Manager me supporte ?” (bienveillance). Scores doivent être élevés tous deux.

Retour terrain

Ce que j’ai observé dans différents styles :

Le manager gentil mais mou : Bienveillance forte, exigence faible. Tout le monde l’aime, personne ne progresse. Résultat : talents frustrés partent, médiocrité s’installe.

Le manager exigeant mais toxique : Exigence forte, bienveillance faible. Résultats court terme, burn-out, turnover 50%/an. Résultat : coûts énormes, réputation ternie.

Le manager qui combine : Standards élevés clairement communiqués, feedback régulier et constructif, support actif croissance, respect personnes. Résultat : équipe performe, grandit, reste, s’épanouit.

L’exemple concret : Développeur ne livre pas qualité attendue. Manager bienveillant + exigeant : “Ce code ne respecte pas nos standards (exigence). Regardons ensemble pourquoi et comment t’aider (bienveillance). Voici ce qui doit changer d’ici 2 semaines (exigence). Je suis dispo 2h cette semaine pour t’aider (bienveillance).”

Erreurs fréquentes

Confondre bienveillance et complaisance Ne jamais critiquer pour “ne pas blesser”. Résultat : médiocrité acceptée, talents frustrés, équipe stagne.

Exigence sans support Demander l’excellence sans donner moyens. Résultat : frustration, burn-out, “on demande l’impossible”.

Feedback sandwich systématique “C’est bien, MAIS voici le problème, mais sinon c’est bien.” Résultat : message dilué, personne ne sait ce qui doit vraiment changer.

Attendre review annuelle Pas de feedback pendant 11 mois, puis surprises en review. Résultat : sentiment injustice, pas de chance corriger.

Si c’était à refaire

Avec le recul, voici ce que je ferais différemment :

Feedback hebdomadaire systématique One-on-one 30min/semaine : 1 thing went well, 1 thing to improve. Cette régularité normalise feedback.

Standards explicites documentés Pas “je sais quand c’est bon”, mais critères objectifs documentés. Cette clarté rend exigence juste.

Formation aux conversations difficiles Workshop managers sur “comment donner feedback difficile avec bienveillance”. Cette compétence s’apprend.

Mesurer les deux dimensions Survey mensuel : “Manager me challenge ?” + “Manager me supporte ?” Scores doivent être >7/10 tous deux.

Pour approfondir

Le livre “Être ou ne pas être CTO” explore comment différents CTOs équilibrent bienveillance et exigence.

Pour approfondir, tu peux aussi consulter l’article “Feedback difficile” ou les autres contenus du pilier “Culture & management”.