Situation réelle

“Le CPO veut 10 features ce trimestre. Moi je veux 3 sprints de dette technique. On fait comment ?” Ce conflit, c’est le quotidien de nombreux CTOs.

Ce que j’ai observé : ce conflit est structurel. Le CPO optimize pour valeur utilisateur court terme, le CTO pour capacité long terme. Les deux ont raison selon leur perspective.

Le faux problème

Le faux problème serait de croire que l’un a tort et l’autre raison. En réalité, les deux perspectives sont légitimes. L’enjeu est de créer un cadre d’arbitrage partagé.

Un autre faux problème : penser que ce conflit révèle un dysfonctionnement. En réalité, c’est une tension saine qui force à équilibrer court et long terme.

Le vrai enjeu CTO

Le vrai enjeu est de transformer ce conflit récurrent en processus d’arbitrage sain :

Les 3 sources du conflit :

Source 1 - Horizons temporels différents : Product pense en trimestres (roadmap, OKRs). Tech pense en années (dette cumulative, scalabilité). Resolution : rendre visible l’impact long terme des choix court terme.

Source 2 - Métriques différentes : Product mesure : adoption, revenue, NPS. Tech mesure : vélocité, qualité, stabilité. Resolution : créer métriques partagées (velocity sustainable, tech-enabled features).

Source 3 - Invisibilité de la dette technique : Product voit : “pas de valeur user visible”. Tech voit : “fondations qui s’effondrent”. Resolution : traduire dette en impact business mesurable.

Le framework d’arbitrage :

Principe 1 - Capacité allocation partagée : Décision conjointe CTO-CPO : 70% features, 20% tech, 10% innovation. Pas “tech vs product” mais “ensemble”.

Principe 2 - Traduction business de la dette : Pas “on doit refactoriser”, mais “dette ralentit delivery 40%, feature F attendue 8 semaines au lieu de 4”. Impact business tangible.

Principe 3 - Critères d’arbitrage explicites : Quand conflit : Impact user (1-10) × Urgence business (1-10) × Coût tech long terme (1-10). Score par initiative.

Principe 4 - Escalation au CEO claire : Si désaccord après critères : escalation CEO avec données des deux côtés. Décision tranchée, pas de rancune.

Cadre de décision

Voici comment je gère ce conflit au quotidien :

1. Planning trimestriel conjoint CTO + CPO définissent ensemble allocation : X% features, Y% tech, Z% innovation. Cette co-construction évite “nous vs eux”.

2. Traduire systématiquement Chaque item tech doit avoir traduction business. “Refacto auth” devient “Reduce login bugs 70%, enable SSO for enterprise deals”.

3. Critères d’arbitrage documentés Framework visible : Impact user, Urgence, Tech cost. Scoring de chaque initiative. Priorisation objective.

4. Review velocity mensuelle CTO + CPO : vélocité stable ? Si baisse, pourquoi ? Dette à adresser ? Cette revue régulière anticipe les crises.

5. Escalation constructive Si désaccord : proposition des deux côtés au CEO avec données. CEO tranche. Pas de ressentiment, exécution propre.

Retour terrain

Ce que j’ai observé dans différentes situations :

La guerre permanente : CTO vs CPO, chaque trimestre. “Features” vs “Tech”. Aucun framework. Résultat : décisions politiques, frustration mutuelle, sous-optimisation.

L’alignement forcé : CEO impose “80% features, 20% tech”. Pas de discussion. Résultat : dette explose, vélocité s’effondre, CTO part.

Le partenariat qui marche : CTO + CPO définissent ensemble 70/20/10. Chaque item tech a traduction business. Critères d’arbitrage clairs. Résultat : confiance mutuelle, arbitrages sains, meilleurs résultats.

L’exemple concret : Trimestre Q2. CPO veut 8 features. CTO veut 2 sprints dette. Traduction : dette ralentit delivery 35%, features Q2 prendraient 12 semaines au lieu de 8. Arbitrage : 6 features + 1 sprint dette. Q3 : vélocité remontée, 8 features livrées en 9 semaines vs 12 projetées.

Erreurs fréquentes

Communication en jargon tech “On doit refactoriser le legacy.” Product ne comprend pas, refuse. Résultat : dette qui explose.

Pas de framework d’arbitrage Chaque conflit est un combat politique. Résultat : épuisement mutuel, décisions suboptimales.

Capacité tech non protégée Product grignote progressivement : “Juste cette feature urgente.” Résultat : 0% capacité tech, dette explosive.

Ne pas escalader Rester en désaccord sans remonter au CEO. Résultat : paralysie, frustration, relation détériorée.

Si c’était à refaire

Avec le recul, voici ce que je ferais différemment :

Établir le framework dès le début Planning conjoint CTO-CPO avec allocation claire dès Q1. Cette fondation évite les conflicts futurs.

Traduire systématiquement tech en business Chaque item tech : impact business mesurable. “Refacto module X = enable feature Y, reduce bugs 60%, velocity +25%”.

Review mensuelle vélocité CTO + CPO : vélocité trending ? Dette impacting ? Ajustements nécessaires ? Cette revue régulière anticipe.

Célébrer les arbitrages réussis “Q2 : on a sacrifié 2 features pour dette, Q3 : vélocité +40%, 10 features livrées vs 8 projetées.” Cette visibilité justifie les investments tech.

Pour approfondir

Le livre “Être ou ne pas être CTO” explore la relation CTO-CPO avec des frameworks concrets.

Pour approfondir, tu peux aussi consulter l’article “Dette technique” ou les autres contenus du pilier “Gouvernance & décision”.